Théories planétaires
historiques
par Pierre Paquette · 1er novembre 2022

Le modèle mathématique que l’on utilise aujourd’hui pour connaître la position des planètes à (virtuellement) n’importe quelle époque du passé, du présent, ou de l’avenir n’est pas apparu soudainement mais résulte plutôt du travail de nombreux philosophes (ainsi appelait-on les « scientifiques » avant la naissance de la « science » à proprement parler) et astronomes du passé. Si certains modèles ne nous sont connus que par leur principe – on pense notamment à celui de Tycho Brahe, décédé avant d’avoir publié les valeurs associées à son modèle, sommairement décrit dans De mundi ætherei (1588) —, d’autres sont suffisamment détaillés, formules et constantes mathématiques à l’appui, pour mériter d’être appelés des théories planétaires, une « théorie » au sens scientifique étant non pas une supposition (on parle alors d’hypothèse), mais plutôt un ensemble de règles et formules mathématiques bien précises décrivant l’évolution passée et future d’un système.

À l’inverse, la méthode de calcul strictement arithmétique des Babyloniens ne peut être décrite comme une théorie planétaire (bien qu’elle l’ait parfois été), puisqu’il lui manque un concept physique sous-jacent. Ainsi, les Babyloniens ne répondaient pas à la question de savoir Qu’est-ce qui se meut ?

J’ai donc regroupé ci-dessous les théories planétaires complètes, c’est-à-dire celles dans lesquelles on trouve autant une base physique qu’une base mathématique. Je m’en suis tenu au modèle de la longitude de la planète Mars ; tous les diagrammes sont à l’échelle du modèle (et pas nécessairement de la réalité, si le modèle s’éloigne de celle-ci). Pour la latitude, une autre page est en préparation.

Tous les angles sont mesurés dans le sens antihoraire (d’ouest en est), sauf mention contraire. Tous les modèles sont vus du pôle nord de l’écliptique, sauf celui de Kepler, qui est vu d’un point situé 10° au-dessus de l’écliptique à une longitude de 240°. Le bouton Ⓜ️ permet d’afficher les contrôles du temps pour la simulation des positions correspondantes au moment choisi.


Ⓜ️
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Jour julien            TU



          

Modèle de Ptolémée

(⪆ 150 ÈC · Μαθηματικὴ Σύνταξις Mathēmatikí Sýntaxis, « Composition mathématique » ⟶ Ἡ Μεγάλη Σύνταξις Hē Megalē Syntaxis, « Le Grand traité » ⟶ المجسطي al-⁠majisṭī, ⟶ L’Almageste)

Dans l’Almageste, Ptolémée détaille non seulement son modèle, mais aussi la méthode par laquelle il l’a élaboré, en se basant sur des observations anciennes (remontant aux Babyloniens) et récentes (par lui-⁠même, notamment). La planète tourne sur un petit cercle appelé épicycle, qui tourne lui-même sur un grand cercle appelé déférent, à vitesse uniforme telle que mesurée depuis un « centre du mouvement uniforme » (au Moyen Âge, ce point sera appelé équant). Ce modèle sera suivi pendant environ 1 400 ans, au cours desquels ils sera critiqué et des solutions de remplacement proposées, mais aucune ne s’implantera jusqu’à la théorie héliostatique de Copernic (voir ci-⁠dessous).

Le déférent n’est pas centré sur la Terre, mais en est décalé d’une valeur appelée excentricité, et l’équant est situé à la même distance du déférent, mais du côté opposé à la Terre. La position le long du déférent est appelée longitude moyenne, et celle sur l’épicycle est appelée anomalie moyenne. Comme on peut le voir dans le diagramme ci-⁠dessous, la longitude moyenne correspond à l’angle ÉC et l’anomalie moyenne à l’angle FCM, le point F se trouvant dans le prolongement de la ligne ÉC.

Le problème est donc de trouver l’angle TM, ce que Ptolémée accomplit en créant et en solvant quelques triangles rectangles grâce à une fonction trigonométrique appelée corde et au théorème de Ptolémée.

Époque : 26 février 747 AÈC, 10 h TU (jour julien 1 448 637,91666…) R = DC = 60p r = CM = 39;30p e = DT = DÉ = 6p A B C D É F G L M T
C É D T κ̅0 A T P É L A κ̅0 est atteint lorsque TC = DC = 60p (différent pour chaque planète) κ̅ = 0° α = ∠ AÉP = ° p1 = |∠ PTL| p1 = ° T P É L A κ̅0 est atteint lorsque TC = DC = 60p (différent pour chaque planète) κ̅ = κ̅0 α = ∠ AÉP = ° p0 = |∠ PTL| p0 = ° T P É L A κ̅0 est atteint lorsque TC = DC = 60p (différent pour chaque planète) κ̅ = 180° α = ∠ AÉP = ° p2 = |∠ PTL| p2 = ° c5(α) = p0 − p1 = ° = ° c7(α) = p2 − p0 = ° = °

Longitude moyenne
λ̅ = ∠ ÉC = °

Anomalie moyenne
α̅ = ∠ FCM = °

Longitude de l’apogée
λA = ∠ TA = °

Centrum moyen
κ̅ = ∠ AÉC = °

Équation du centre (equatio centri)
q = c3(κ̅) + c4(κ̅)
q = ∠ TCÉ =

Longitude vraie du centre de l’épicycle (verus motus epicicli)
κ̅  180°, donc on
λ′ = λ̅ q
λ′ = ∠ TC =

Anomalie vraie
κ̅  180°, donc on
α = α̅ q = ∠ GCM =

Équation de l’anomalie
c8(κ̅) est , donc on utilise
c = c6(α) + c8(κ̅) · c7(α)
c = ∠ CTM =
c = c6(α) + c8(κ̅) · c5(α)
c = ∠ CTM =

Longitude vraie de la planète
α  180°, donc c est
λ = λ′  c
λ = ∠ TM =


Tableau XI 11

c5(α) à c7(α) : voir graphiques en bas à gauche ;
c8(κ̅) n’a pas d’équivalent graphique

Équation du centre non corrigée

c3(κ̅) = ∠ ÉBT =

Correction de l’équation du centre

c4(κ̅) = ∠ BTC =

Équation en anomalie centrale moins équation en anomalie à l’apogée

c5(α) = °

Équation en anomalie centrale

c6(α) = °

Équation en anomalie au périgée moins équation en anomalie centrale

c7(α) = °

Interpolation de l’équation en anomalie

c8(κ̅) =


Formules

Longitude moyenne
λ̅ = λ̅0 (3;32°) + 0;31,26,36,53,51,33°/j

Anomalie moyenne
α̅ = α̅0 (327;13°) + 0;27,41,40,19,20,58°/j

Longitude de l’apogée
λA = 106;40° + 1°/siècle

Centrum moyen
κ̅ = λ̅ − α̅

Équation du centre non corrigée
c3(κ̅) = sin−1 (2e sin κ̅) ÷ √[(60 + 2e cos κ̅)2 + (2e sin κ̅)2

Distance Terre–centre de l’épicycle
ρ(κ̅) = TC = √⟨{√[3600 − (e sin κ̅)2] + e cos κ̅}2 + (2e sin κ̅)2

Valeur « centrale » du centrum moyen voir illustration ci-⁠contre
κ̅0 = 180 − tan−1 {(120 ÷ 3e) √[1 − e2 ÷ (4 · 3600)]} ≈ 98;32,28,38,59°

Équation de l’anomalie
p(α, κ̅) = ∠ LTM = tan−1 [(r sin α) ÷ (ρ(κ̅) + r sin α)]

Correction de l’équation du centre
c4(κ̅) = [sin−1 (2e sin κ̅) / ρ] − c3(κ̅)

c5(α) = p(α, κ̅0)p(α, 0°)

c6(α) = p(α, κ̅0)

c7(α) = p(α, 180°)p(α, κ̅0)

ƒ1(κ̅) = (pmax(κ̅0)pmax(κ̅)) ÷ (pmax(κ̅0)pmax(0°))

ƒ2(κ̅) = (pmax(κ̅)pmax(κ̅0)) ÷ (pmax(180°)pmax(κ̅0))

c8(κ̅) = ƒ1(κ̅) si κ̅0 < κ̅ ; c8(κ̅) = ƒ2(κ̅) si κ̅0 > κ̅


L’école de Maragha

En 1259, Hülegü Khan fait construire un observatoire à Maragha (ou Marāġa ; Iran moderne), où plusieurs astronomes échafauderont des théories planétaires plus ou moins complètes, en réponse à la plus fréquente et majeure critique de Ptolémée : le mouvement d’un astre ne peut être uniforme que vu du centre du cercle sur lequel il se meut (règle violée par l’équant).

Quatre noms ressortent du lot : Nasir al-⁠Din al-⁠Ṭūsī (1201–1274), Mu'ayyid al-⁠Din al-⁠ʿUrḍī (d. 1266), Muḥyī al-⁠Dīn al-⁠Maghribī (d. 1283), et Quṭb al-⁠Dīn al-⁠Šīrāzī (1231–1311). Pour le premier, sept orbes (sphères cristallines) sont nécessaires pour expliquer le mouvement d’une planète, plus trois orbes pour le mouvement en latitude. al-⁠ʿUrḍī propose quant à lui un système à cinq orbes, et al-⁠Šīrāzī, six orbes. (Je n’ai pas trouvé de description du modèle d’al-⁠Maghribī.) De plus, al-⁠Ṭūsī décrit un système dans lequel deux cercles au mouvement uniforme peuvent résulter en un mouvement rectiligne ; on l’appelle aujourd’hui le couple d’al-⁠Ṭūsī.

Puisque je n’ai pas tous les détails pour ces modèles, je n’irai pas plus loin dans leur description, mais les travaux des astronomes de l’école de Maragha sont importants dans l’histoire de l’astronomie.


Modèle d’Ibn al-⁠Šāṭir

(≤ 1366 · كتاب نهاية السول في تصحيح الأصول Nihāya al-sūl fī taṣḥīḥ al-ʾuṣūl, « L’achèvement de l’enquête et la correction des fondements »)

Héritier, pour ainsi dire, de l’école de Maragha, Ibn al-⁠Šāṭir présente un modèle complet, reproduit ici. Copernic (voir ci-⁠dessous) va grandement s’en inspirer, principalement pour Mercure et Vénus. Tous les mouvements sont uniformes tels que vus du centre du cercle sur lequel ils sont parcourus, bien que cela implique d’ajouter des épicycles — c’est peut-être de là que provient la légende urbaine voulant que le modèle de Ptolémée ait reçu « épicycle par-dessus épicycle », qui n’a aucun fondement autrement (voir à cet effet Owen GINGERICH, « “Crisis” Versus Aesthetic in the Copernican Revolution. » Vistas in Astronomy, Vol. 17, N° 1 (1975): 85–95, et Owen GINGERICH, « The Accuracy of the Ephemerides, 1500–1800. » Vistas in Astronomy, Vol. 28, N° 1 (1985): 339–342).

Erwan PENCHÈVRE (2017, 2021) offre une édition critique et traduction française de la Nihāya d’al-⁠Šāṭir, d’où le contenu ci-⁠dessous provient.

Époque : 24 décembre 1331 ÈC, 9 h 43 TU (jour julien 2 207 562,90486111…) r1 = TC = 60p r2 = CE = 9p r3 = ED = 3p r4 = DM = 39;30p A C D E M T W Z

Longitude du soleil moyen
λ = ∠ T = °

Longitude moyenne (« astre moyen »)
λ̅ = ∠ TC = °

Anomalie moyenne (« astre propre »)
α̅ = ∠ WDM = °

Longitude de l’apogée (أوج ʾawj « auge »)
λA = ∠ TA = °

Centrum moyen
κ̅ = ∠ ATC = °

Première équation
c1 = ∠ CTE = °

Deuxième équation
c2 = ∠ DTM = °

Longitude vraie de la planète
λ = ∠ TM = °


Formules et notes

Longitude du soleil moyen
λ̅ = λ̅☉0 (280;09°) + 359;45,40°/an

Longitude moyenne (« astre moyen »)
λ̅ = λ̅0 (292°) + 191;17,11°/an

Anomalie moyenne (« astre propre »)
α̅ = λ̅ − λA − κ̅

Longitude de l’apogée (أوج ʾawj « auge »)
λA = λA0 (137;52°) + 0;1°/an

Centrum moyen
κ̅ = λ̅ − λA

Longitude du nœud ascendant
λ = λA − 140°

Argument de latitude
ω = λ̅ − λ

Distance Terre–planète
∂ = TM = √{[r4 sin (α̅ − c1)]2 + [ρ + r4 cos (α̅ − c1)]2}

Distance Terre–centre de l’épicycle
ρ = TC = √[(r2 sin κ̅ + r3 sin κ̅)2 + (r1 + r2 cos κ̅ − r3 cos κ̅)2

Première équation
c1 = −sin−1 [(r2 sin κ̅ + r3 sin κ̅) ÷ ρ

Deuxième équation
c2 = sin−1 {[r4 sin (α̅ − c1)] / ∂

L’apogée (ذِرْوَة‎ ḏirwa) DW est toujours parallèle à TC

L’apogée apparent DZ est le prolongement de la ligne TD


Modèle de Copernic

(De revolutionibus orbium cœlestium, « Des révolutions des orbes célestes », 1543)

On parle souvent du modèle de Copernic comme marquant une révolution dans la science astronomique ; mais si révolution il y a eu, c’en fut une tranquille. L’idée de l’héliocentrisme n’est en effet pas nouvelle, ayant été caressée aussi loin que l’antiquité par certains philosophes grecs, qui avaient tous été tournés en ridicule. D’ailleurs, Copernic lui-même a peur d’être ridiculisé et reporte toujours la publication de son œuvre, qui ne paraîtra qu’à son décès. Au fait ; le système de Copernic n’est pas héliocentrique mais héliostatique : en effet, le Soleil n’est pas au centre des orbites planétaires, mais près de celui-⁠ci, qui se trouve dans une direction et à un écart différents d’une planète à l’autre.

Le modèle de Copernic n’est ni plus simple, ni plus précis que celui de Ptolémée, bien que les astronomes ne puissent pas juger de sa précision avant Tycho et Kepler près de 60 ans plus tard. Il est inspiré de ceux de l’école de Maragha, bien que les historiens débattent encore du mode de transmission de celles-⁠ci vers l’Europe et de comment Copernic en a pris connaissance.

Comme Ptolémée avant lui, Copernic présente des tableaux permettant à ses lecteurs d’éviter à avoir à faire des calculs trigonométriques complexes (al-⁠Šāṭir en fait de même, mais ses tableaux ont été perdus, bien qu’ils puissent être reconstitués).

Époque : 0 janvier 1500, 12 h TU (jour julien 2 268 931) R = 10 000 r = 6 580 r′ = 500 e = 980 e1 = 1 460 ωA = 0° io = 1;51° ic = 0;9° Γ = γ Ari Γ Γ A O

Précession moyenne
π̅ = °

Anomalie de la précession
ϑ = °

Correction de la précession
δP = °

Précession
π = °

Longitude moyenne du Soleil
λ̅* = °

Longitude moyenne
λ̅* = °

Anomalie moyenne
α̅ = °

Longitude de l’apogée
λA* = °

Anomalie excentrique moyenne
κ̅ = °

Équation du centre
c3 = °

Anomalie excentrique corrigée
κ = °

Anomalie corrigée
α = °

Distance du soleil moyen au centre de l’épicycle
ρ = p

Angle MCS̅
a1 = °

Angle PS̅C
a2 = °

Distance Soleil–épicycle
R(κ̅) = p

Équation maximale
cmax(κ̅) = °

Correction négative
c5(α) = °

Correction positive
c7(α) = °

Correction combinée
c5 + 6(α) = °

Distance maximale à l’apogée
R0 = p

Distance minimale au périgée
R180 = p

Équations maximales de l’anomalie
cm = °, cM = °

Coefficient d’interpolation
c4(κ̅) = °

Équation du centre
c6(α) = °

Équation de l’anomalie
c(α, κ̅) = °

Élongation ouest de la planète
(Sens horaire)
Δ′ = °

Élongation est de la planète
Δ = °

Longitude sidérale vraie ou apparente de la planète
λ* = °

Longitude héliocentrique vraie
λ*′ = °

Longitude tropique de la planète
λ = °

Angle Soleil–Terre–planète
γ = °


Formules et notes

Précession moyenne
π̅ = π̅₀ (26;27,03) + 36025 816 (≈ 0;0,50,12,5°/an ≈ 0;0,0,8,15°/j)

Anomalie de la précession
ϑ = ϑ₀ (144;0,11) + 0;00,01,02,02,19,33,42°/j (0;6,17,24,9°/an)

Correction de la précession
δP = δPmax (1;10°) sin 2ϑ

Précession
π = π̅ + δP

Longitude moyenne du Soleil
λ̅* = λ̅*0 (4,20;51,31) + 5,59;44,49,7,4°/a = 0;59,08,11,21,42,34,31°/j

Longitude moyenne
λ̅* = λ̅*0 (26;2,57) + 0;31,26,30,59,20,32,53°/j

Anomalie moyenne
α̅ = α̅0 (234;48,34) + 0;27,41,40,22,22,01,39°/j = λ̅* − λ̅*

Longitude de l’apogée
« Copernic n’explique jamais comment on calcule la longitude de l’apogée de Mars pour un moment déterminé. » —Swerdlow et Neugebauer, 1984
Swerdlow et Neugebauer [1984] utilisent toutefois la formule suivante
λA* = λA*0 (119;40°) + 0;00,00,04,37,48,29,35°/j (0;0,28,10°/an)
avec comme époque le 22 février 1523

Anomalie excentrique moyenne
κ̅ = λ̅* − λA* = λ̅* − λ*A − α̅

Équation du centre
c3 = tan−1 [(2e sin κ̅) / (R + e cos κ̅)]

Anomalie excentrique corrigée
κ = κ̅ + c3
Avec c3 ≤ 0 si κ̅ ≤ 180°, c3 ≥ 0 si κ̅ ≥ 180°

Anomalie corrigée
α = α̅ + c3
Avec c3 ≥ 0 si κ̅ ≤ 180°, c3 ≤ 0 si κ̅ ≥ 180°

Distance du soleil moyen au centre de l’épicycle
ρ = √(R2 + e12 + 2Re1 cos κ̅)

Angle MCS̅ (centre de l’excentrique–centre de l’épicycle–soleil moyen
a1 = sin−1 [e1 (sin κ̅) / ρ]

Angle PS̅C (planète–soleil moyen–centre de l’épicycle)
a2 = sin−1 [r′ sin(κ̅ + a1) / R(κ̅)]
Vérification : Angle EPS̅ (équant–planète–soleil moyen) = c3 = a1 + a2

Distance du centre de l’excentrique au centre de l’épicycle (S̅P)
R(κ̅) = √[ρ² + r′² − 2ρr′ cos(κ̅ + a1)]

Équation maximale
cmax(κ̅) = sin−1 (r / R(κ̅))

Correction négative pour plus grande distance, ou correction moindre de l’anomalie pour κ̅ = 0°
c5(α) = tan−1 [r sin α / (R0 + r cos α)]

Correction positive pour plus petite distance
c7(α) = cos2 κ̅

Correction combinée
c5 + 6(α) = tan−1 [r sin α/(R180 + r cos α)]

Distance maximale à l’apogée
R0 = R + (e1 − r′) = 10 960 (11 000 dans les Tables alphonsines)

Distance minimale au périgée
R180 = R − (e1 − r′) = 9 040 (9 000 dans les Tables alphonsines)

Équations maximales de l’anomalie à l’apogée et au périgée
cm = sin−1 (r/R0) ≈ c(α)max
cM = sin−1 (r/R180) ≈ (c5(α) + c(α))max

Coefficient d’interpolation de correction pour κ̅ > 0°
c4(κ̅) = (cmax(κ̅) − cm) ÷ (cM − cm)

Équation du centre de l’épicycle à distance moyenne, ou excès de la plus grande équation de l’anomalie pour κ̅ = 180°
c6(α) = c5 + 6(α) − c5(α)

Équation de l’anomalie
c(α, κ̅) = c5(α) + c4(κ̅) · c6(α)

Élongation ouest de la planète par rapport au Soleil
Cet angle est mesuré dans le sens horaire.
Δ′ = α + c(α, κ̅)
c(α, κ̅) ≤ 0° si α ≤ 180°, c(α, κ̅) ≥ 0° si α ≥ 180°

Élongation est de la planète par rapport au Soleil
Δ = c(α, κ̅) + c3 = 360 − Δ′
c3 ≤ 0 si κ̅ ≤ 180°, c3 ≥ 0 si κ̅ ≥ 180°

Longitude sidérale vraie ou apparente de la planète
λ* = λ̅* + c(α, κ̅) = λ̅* − Δ′ = λ̅* + Δ

Longitude héliocentrique vraie
λ*′ = λ̅* + c3
Vérification : c(α, κ̅) = λ* − λ*′

Longitude tropique de la planète
λ = λ* + π (précession)

Angle Soleil–Terre–planète
γ = |λ̅* − λ*| mod 180°

ωA : Argument de latitude
io : Inclinaison à l’opposition
ic : Inclinaison à la conjonction


Modèle de Kepler

(Astronomia nova, « Astronomie nouvelle », 1609 ; Harmonices Mundi, « L’harmonie du monde », 1619)

Le modèle de Kepler représente vraiment la révolution dans la façon de penser des astronomes. Depuis des milliers d’années, on se bornait à expliquer les mouvements planétaires par des cercles et des vitesses uniformes ; Kepler chamboule tout cela en proposant plutôt des ellipses et des vitesses variables. S’il n’a aucune idée du pourquoi de sa « nouvelle astronomie », les principes de celle-⁠ci seront expliqués par les trois lois de Newton près de 70 ans plus tard. De celles-⁠ci on peut en effet déduire les trois lois de Kepler :

  1. L’orbite d’une planète est une ellipse, dont le Soleil occupe un des foyers.
  2. La ligne joignant la planète au Soleil couvre des aires égales dans des temps égaux.
  3. Le carré du temps de révolution d’une planète est proportionnel au cube de sa distance au Soleil.

En feuilletant rapidement Astronomia nova, Harmonices mundi, et Mysterium cosmographicum, je n’ai pas trouvé de paramètres orbitaux donnés par Kepler pour les planètes. Des éphémérides publiées par Kepler pourraient servir de point de départ, mais je préfère utiliser les paramètres présentés par Jean Meeus dans Astronomical Algorithms (2e édition, 1998), qui condensent la théorie planétaire VSOP 87 du Bureau des Longitudes de l’Observatoire de Paris (elle-⁠même supplantée depuis par VSOP 2013). Ces paramètres sont les suivants, illustrés dans le premier diagramme :

SymboleExplication
aDemi-grand axe ; c’est la distance maximale entre le centre de l’ellipse et sa circonférence ( dans le diagramme, où l’ellipse orbitale est déformée par la perspective) c ϖ P S
eExcentricité ; c’est la distance entre le Soleil et le centre de l’ellipse, en proportion du demi-grand axe (le rapport cS:cϖ)
iInclinaison ; c’est l’angle entre le plan de référence (habituellement l’écliptique) et le plan de l’orbite
ΩLongitude du nœud ascendant ; c’est l’angle entre le point point vernal () et le point où la planète passe du sud au nord du plan de référence (angle ♈S☊)
ωLongitude du périhélie ; c’est l’angle, mesuré le long de l’orbite, entre le nœud ascendant et le point où la planète est au plus près du Soleil (angle ☊Sϖ)
νAnomalie vraie ; c’est l’angle entre le périhélie et la planète, mesuré depuis le Soleil (angle ϖSP)

L’idée du mouvement uniforme n’est pas entièrement étrangère au modèle de Kepler. En effet, pour calculer l’anomalie vraie ν d’une planète on doit connaître son anomalie moyenne M. Imaginons donc une planète fictive, qui décrit une orbite circulaire autour du Soleil, d’une période identique à celle de la planète réelle. L’anomalie moyenne est l’angle, toujours mesuré depuis le Soleil, entre le périhélie et cette planète fictive ; elle n’est égale à l’anomalie vraie qu’au périhélie et à l’aphélie. La relation entre les deux passe par une troisième valeur, l’anomalie excentrique E, selon léquation de Kepler (voir ci-⁠dessous), qui est transcendante.

L’inconvénient du modèle de Kepler est qu’il ne donne pas la position dans le ciel terrestre, mais plutôt la position héliocentrique ; il faut « croiser » l’information avec la position héliocentrique de la Terre pour obtenir la position de la planète telle que vue de la Terre. On ne trouve pas, dans les trois grand écrits de Kepler, de tableau de calcul comme on en trouvait dans l’Almageste ou dans De revolutionibus.

ϖ ϖ

Siècles écoulés depuis le 0 janvier 2000
T = 

Demi-grand axe
a = 1,523 679 342 ua

Excentricité
e =

Inclinaison
i =

Longitude du nœud ascendant
Ω =

Longitude du périhélie
π =

Longitude moyenne
L =

Anomalie moyenne
M =

Argument du périhélie
ϖ =

Inclinaison de la Terre sur son orbite
ε = 

Équation de Kepler
E = 

Anomalie vraie
ν = 

Équation du centre
C = 

Distance de la planète au Soleil
r =  ua

Coordonnées rectangulaires équatoriales héliocentriques
x =  ua
y =  ua
z =  ua

Coordonnées équatoriales géocentriques
Ascension droite
α =
Déclinaison
δ =
Distance
Δ =  ua

Coordonnées écliptiques géocentriques de la planète
Longitude
λ = 
Latitude
β = 

Coordonnées écliptiques héliocentriques
xS =  ua
yS =  ua
zS =  ua

Élongation par rapport au Soleil
ψ = 


Formules et notes (données pour Mars)

(Toutes ne sont pas requises pour toutes les applications.)

Siècles écoulés depuis le 0 janvier 2000
T = (jour julien − 2 451 545) ÷ 36525

Demi-grand axe
a = 1,523 679 342 ua

Excentricité
e = 0,093 400 65 + 9,0484 × 10−5 T − 8,06 × 10−8 T2 − 2,5 × 10−10 T3

Inclinaison
i = 1,849 726 - 6,011 × 10−4 T + 1,276 × 10−5 T2 − 7 × 10−9 T3

Longitude du nœud ascendant
Ω = 49,588 093 + 0,772 0959 T + 1,557 × 10−5 T2 + 2,267 × 10−6 T3

Longitude du périhélie
(ϖ est l’argument du périhélie ; voir ci-⁠dessous)
π = Ω + ϖ
= 336,060 234 + 1,841 0449 T + 1,3477 × 10−4 T2 + 5,36 × 10−7 T3

Longitude moyenne
L = Ω + ϖ + M
= 355,433 + 19 141,696 4471 T + 3,1052 × 10−4 T2 + 1,6 × 10−8 T3

Anomalie moyenne
M = Lπ

Argument du périhélie
ϖ = π − Ω

Inclinaison de la Terre sur son orbite
ε = 23° 26′ 21,448″ − 46,8150″ T − 0,00059″ T2 + 0,001813″ T3

Paramètres intermédiaires
F = cos Ω
G = sin Ω cos ε
H = sin Ω sin ε

P = −sin Ω cos i
Q = cos Ω cos i cos ε − sin i sin ε
R = cos Ω cos i sin ε + sin i cos ε

a = √(F2 + P2)
b = √(G2 + Q2)
c = √(H2 + R2)
(Valeurs positives)

A = tan−1 (F ÷ P)
B = tan−1 (G ÷ Q)
C = tan−1 (H ÷ R)
(Quadrant approprié)

Équation de Kepler
E = M + e sin E

Anomalie vraie
ν = 2 tan−1 √[(1 + e) ÷ (1 − e)] tan (E ÷ 2)

Distance de la planète au Soleil
r = a (1 − e cos E)

Coordonnées rectangulaires équatoriales héliocentriques
x = r a sin (A + ω + ν)
y = r b sin (B + ω + ν)
z = r c sin (C + ω + ν)

Puis, nous calculons de la même manière les coordonnées rectangulaires équatoriales héliocentriques de la Terre : (X, Y, Z).

Paramètres intermédiaires
ξ = xX
η = yY
ζ = zZ

Coordonnées équatoriales géocentriques
Ascension droite
α = tan−1 (η ÷ ξ)
Déclinaison
δ = tan−1 [ζ ÷ √(ξ2 + η2)]
Distance
Δ = √(ξ2 + η2 + ζ2)

Coordonnées écliptiques géocentriques de la planète
λ = tan−1 (y ÷ x)
β = sin−1 (z ÷ r)

Élongation par rapport au Soleil
ψ = cos−1 [cos λ cos (λ − λS)]
λS est la longitude écliptique géocentrique du Soleil

Coordonnées écliptiques héliocentriques
u = ω + ν
xS = r (cos Ω cos u − sin Ω sin u cos i)
yS = r (sin Ω cos u + cos Ω sin u cos i)
zS = r sin i sin u

Mouvement journalier
n = 0,985 607 6686 ÷ (aa)

Anomalie moyenne
M = M0 + nT

Équation du centre
Angle entre le centre de l’ellipse et le Soleil, tel que vu de la planète
C = νM
= (2ee3 ÷ 4 + 5e5 ÷ 96) sin M
+ (5e2 ÷ 4 − 11e4 ÷ 24) sin 2M
+ (13e3 ÷ 12 − 43e5 ÷ 64) sin 3M
+ (103e4 ÷ 96 sin 4M + 1097e5 ÷ 960) sin 5M


Newton

La contribution d’Isaac Newton ne peut être ignorée, bien qu’il n’ait pas présenté de théorie planétaire à proprement parler. Ses travaux, publiés en 1687 dans Philosophia naturalis principia mathematica (« Principes mathématiques de la philosophie naturelle » — il est en général fait référence à l’édition de 1726, corrigée et augmentée), permettent d’expliquer les lois de Kepler, qui découlent de la loi de la gravitation universelle et des trois lois du mouvement de Newton :

La loi de la gravitation universelle s’explique le mieux par la formule :

F = Gm1m2 ÷ d2,

F est la force résultante en newton, G = 6,6743 × 10−11 N m2 kg−2 est la constante gravitationnelle, m1 et m2 sont les masses en kilogrammes, et d est la distance les séparant en mètres. En mots, la loi est :

Ce changement de la force en proportion de la distance est à l’origine de la troisième loi de Kepler (ci-⁠dessus).


Einstein

Pour conclure, mentionnons l’apport d’Einstein à notre compréhension des mouvements planétaires. En effet, selon la mécanique newtonienne (dite « classique »), le périhélie de Mercure devrait avancer de 532″ par siècle, mais on observe plutôt une avance de 574″ par siècle (sur la base, notamment, d’observations précises des moments de début et de fin du passage de Mercure devant le Soleil [voir Le Verrier 1859]). On suppose d’abord la présence d’une planète ou d’une seconde « ceinture » d’astéroïdes à l’intérieur de l’orbite de Mercure, mais rien de tel n’est observé.

C’est la théorie de la Relativité générale, publiée en 1915 par Albert Einstein, qui fournit la réponse au mystère : la déformation de l’espace-temps par la masse du Soleil fait en sorte que Mercure passe plus de temps près de son périhélie que selon la mécanique newtonienne. L’effet s’applique aux autres planètes, mais étant proportionnel au carré de la distance, il est de plus en plus faible. On le calcule par la formule :

σ = (24π3L2) ÷ [T2c2 (1 − e2)],

σ est en radians par révolution, L est le demi-grand axe en kilomètres, T est la période orbitale en secondes, c est la vitesse de la lumière (299 792 458 m/s), et e est l’excentricité de l’orbite. On a donc pour Mercure 42,981″ par siècle, 8,625″ pour Vénus, 3,839″ pour la Terre, et 1,351″ pour Mars, d’effet relativiste ; on remarque que l’effet pour Mercure comble parfaitement la différence entre 532″ et 574″…