Tablette ACT 190 |
Dans l’Almageste, Ptolémée mentionne une observation d’Hipparque dans laquelle il mentionne que « le mouvement [de la Lune] était [celui du] 241[e jour] » (δρόμος μὲν οὖν, φησίν σμαʹ dans Heiberg ; δρόμος μὲν οὖν, φησίν ην σμα dans le manuscrit grec 2389 [neuvième siècle] de la Bibliothèque nationale de France). Ce passage a mal été interprété jusqu’à Toomer [1984]. Par exemple, Halma a remplacé σμαʹ ou σμα par μέσος « moyen », et Manitius a 259°, expliquant :
Halma vermutet μέσος statt σμα; ich habe dafür σνϑ geändert, wodurch der Lauf mit den 257° 47′ des Ptolemäus einigermaßen in Einklang gesetzt wird.
(« Halma suppose μέσος au lieu de σμα ; j’ai changé cela pour σνθ, ce qui rend le mouvement quelque peu cohérent avec les 257° 47′ de Ptolémée. »)
C’est toutefois Toomer qui a la clé, qu’il mentionne d’abord dans « Hipparchus’ Empirical Basis for His Lunar Mean Motions » (Centaurus, Vol. 24, N° 1, 1980 : 97–109) :
Hipparchus meant that the moon was in the 241st day of the anomaly period of 248 days well known from Babylonian, Greek and Indian astronomy.
Dans sa traduction de l’Almageste, Toomer indique qu’un tableau de ces valeurs se trouve « sur [la] tablette cunéiforme ACT N° 190 (III p. 131) », que je reproduis ici, adaptée de Astronomical Cuneiform Texts d’Otto Neugebauer [1955]. Certaines valeurs ont été extrapolées par Neugebauer.
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Les lignes et colonnes sont numérotées. La première valeur (ligne 1, colonne 0) est celle du premier jour. Pour obtenir la valeur d’un autre jour, on divise le jour par 20 et on garde la partie entière ; par exemple, pour la valeur du 241e jour, on prend 241 ÷ 20, soit 12,05, et on garde seulement 12. Ceci est le numéro de la colonne à consulter. Pour savoir quelle ligne, on prend le reste de la division, soit 241 ÷ 20 = 12, reste 1, dans notre exemple ; nous regardons donc la première ligne de la 12e colonne, et nous avons 13;30, ce qui signifie que la Lune se déplace de 13° 30′ en longitude au 241e jour du cycle.
Toomer ne mentionne pas le point de départ de ce tableau, et ce n’est qu’en parlant des tablettes suivantes (ACT 191 à 196) que Neugebauer dérive des dates de départ (vu que le cycle se répète au bout de 248 jours, les dates de départ se répètent donc à cette fréquence). Par exemple, sur ACT 191, on trouve les lignes suivantes (ma reconstruction pour le cunéiforme) :
Cunéiforme | Translittération | Signification | |||
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[𒀊] 𒐈 | 𒌋𒁹𒐐𒑈𒐏 𒍦 | [AB] 3 | 11 59 40 ZIB | [Mois de] Ṭebētu, [jour] 3 | [longitude] 11° 59′ 40″ [des] Poissons |
𒐉 | 𒎙𒐋𒐏𒈫𒐐 | 4 | 26 42 50 | 4 | 26° 42′ 50″ |
𒐊 | 𒌋𒁹𒐏𒐉 𒇻 | 5 | 11 44 LU | 5 | 11° 44′ Bélier |
𒐋 | 𒎙𒐋𒐐𒐉 | 6 | 26 54 | 6 | 26° 54′ |
𒐌 | 𒌋𒁹𒐏𒐋 𒀯 | 7 | 11 46 MÚL | 7 | 11° 46′ Taureau |
On remarque que la différence entre la dernière ligne (11° 46′ du Taureau) et l’avant-dernière (26° 54′ du Bélier) est de
(30 + 11° 46′) − 26° 54′ = 14° 52′,
et celle entre l’avant-dernière ligne et la précédente (11° 44′ du Bélier) est de
26° 54′ − 11° 44′ = 15° 10′.
Ces deux valeurs, 14° 52′ et 15° 10′, se trouvent respectivement aux lignes 16 et 15 de la colonne 0. Puisque nous connaissons le jour de chaque ligne de la tablette, ainsi que le mois, et que Neugebauer décrit la tablette comme référant à l’année 117 de l’ère séleucide (−194/3 du calendrier julien proleptique) — selon le fait que les mêmes longitudes ne se reproduisent aux mêmes vitesses qu’après environ 22 000 ans [37,12,00,00 = 8 035 200 jours]) — nous pouvons trouver une des dates où le tableau de la tablette ACT 190 commence, soit le 21 Kislimu 117 ÈS, soit le 22 décembre −194 (jour julien 1 650 555), le mois ayant débuté le 2 décembre −194 selon Parker et Dubberstein [1971].
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Dernière mise à jour : 2024-07-17 à 00 h 50 UTC