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De revolutionibus — Introduction
par Pierre Paquette · 13 août 2023

Introduction          🞄          Livre 1          🞄          Livre 2          🞄          Livre 3          🞄          Livre 4          🞄          Livre 5          🞄          Livre 6


Ce travail est inspiré de la thèse de doctorat de Glen Van Brummelen (1993), intitulée Mathematical Tables in Ptolemy’s Almagest, ainsi que de Mathematical Astronomy in Copernicus’s De Revolutionibus, de Noel Mark Swerdlow et Otto Eduard Neugebauer (1984). Une caractéristique principale du premier ouvrage est que Van Brummelen y recalcule chaque valeur de chaque tableau de l’Almageste, tout en expliquant comment il a été calculé. D’autre part, Swerdlow et Neugebauer expliquent comment Copernic a calculé les valeurs de ses tableaux, mais ne fournissent pas de tableaux révisés, qui permettraient de juger de la qualité mathématique de ceux-⁠ci. Je n’ai pas cherché à imiter exactement aucun de ces deux ouvrages, ni à les amalgamer, mais plutôt à créer une sorte de guide mathématique des Révolutions de Copernic.

L’astronomie avant Copernic

Bien que le nom de Copernic soit familier à un grand nombre de personnes, et que celui des Révolutions soit presque aussi connu, une petite récapitulation historique s’impose avant de commencer. Copernic est né en 1473 ; à cette époque, l’astronomie repose encore sur l’Almageste, écrit par Ptolémée vers l’an 150 — les Hypothèses planétaires et les Tables pratiques que Ptolémée a écrites par la suite ne seront pas largement diffusées en Europe. Certes, quelques critiques et révisions en ont été faites, mais rien de fondamentalement différent ne s’est imposé, malgré l’apparition d’autres modèles.

1. Modèle de Ptolémée pour le Soleil · La Terre est le point bleu au centre ; le déférent (ou excentrique) est légèrement décentré par rapport à celle-⁠ci, son centre étant situé au point rouge. La taille de la Terre et du Soleil n’est pas à l’échelle, mais le décalage relatif du déférent l’est. L’animation s’arrête automatiquement après 365 jours.
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Ainsi, la Terre est considérée comme au centre du monde (à interpréter au sens du terme « univers » moderne), et les mouvements des astres sont circulaires et de vitesse constante, ou résultent de combinaisons de mouvements circulaires accomplis à vitesse constante. Par exemple, le Soleil est considéré comme se déplaçant sur un cercle (l’« excentrique » ou le « déférent ») légèrement décentré par rapport à la Terre (diagramme ci-⁠contre), ce qui explique sa vitesse variable dans le ciel terrestre par un effet de perspective, la taille apparente de l’angle parcouru en une unité de temps donnée étant plus grand au périgée (lorsque le Soleil est au plus près de la Terre) qu’à l’apogée. Cela explique la durée différente de chaque saison — et a d’ailleurs été déterminé sur cette base.

Bien que Ptolémée ne mentionne rien de la sorte dans l’Almageste, les Grecs imaginaient chaque planète comme étant une petite sphère accrochée à la surface d’une plus grande sphère, composée d’une sorte de cristal de nature divine et parfaitement transparente. Dans leur premier modèle, toutes les sphères étaient concentriques à la Terre, mais ils se rendirent rapidement compte que cela ne permettait pas d’expliquer toutes les observations.

2. Modèle de Ptolémée pour Vénus et les planètes supérieures · La Terre est le point bleu au centre, le centre du déférent est le point rouge, et l’équant est le point vert, deux fois plus loin de la Terre que le centre du déférent. L’épicycle (centré sur le point gris) porte la planète (ici Mars) au point rose. Le modèle est à l’échelle (sauf pour la taille des planètes). L’animation s’arrête automatiquement après 1 000 jours.
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Dans le modèle le Ptolémée, les planètes se déplacent sur un petit cercle, l’épicycle, qui tourne lui-⁠même sur un déférent. Ptolémée considère que la direction de l’apogée de chaque planète est différente, mais que toutes les apogées se décalent graduellement d’un degré par siècle égyptien (soit 36 500 jours), ce qui explique en même temps la précession des équinoxes (que l’on sait aujourd’hui être d’environ un degré en 72 ans). De plus, la ligne entre le centre de l’épicycle et la planète est toujours parallèle à la ligne Terre–Soleil, la planète étant au « périgée » de son épicycle lorsqu’elle est en opposition avec le Soleil (c’est-⁠à-⁠dire à 180° de celui-⁠ci dans le ciel terrestre et visible toute la nuit).

3. Modèle de Ptolémée pour Mercure · La Terre est le point bleu au centre, le centre du déférent est le point rouge, qui tourne sur le circulus parvus (cercle orange), et l’équant (aussi mobile) est le point vert. L’épicycle (centré sur le point gris) porte Mercure au point gris. L’épicycle (centré sur le point gris) porte la planète (ici Mars) au point rose. L’animation s’arrête automatiquement après 500 jours.
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Une particularité est que le déplacement angulaire uniforme de l’épicycle sur le déférent n’est pas vu de son centre, mais d’un troisième point, le « centre du mouvement uniforme » (plus tard équant) situé deux fois plus loin de la Terre que le centre du déférent. Cela brise le modèle d’une sphère à rotation uniforme, mais Ptolémée ne mentionne pas ce fait, qui fera d’ailleurs l’objet de critiques plus tard.

4. Modèle de Ptolémée pour la Lune · Les cercles et points sont les mêmes que pour Mercure, mais cette fois, c’est la Lune qui est au point gris. La ligne jaune indique la direction du Soleil. L’animation s’arrête automatiquement après 365 jours.
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Un troisième mouvement est ajouté dans le cas de Mercure et de la Lune (considérée comme une « planète »  jusqu’à Copernic, voire jusqu’à Galilée et Kepler) : le centre du déférent de ces deux astres se déplace à son tour sur le circulus parvus (littéralement : « petit cercle ») décentré par rapport à la Terre ; ce mouvement se fait dans le sens inverse des deux précédents. Les différences entre les deux modèles résident dans la taille relative du circulus parvus et de l’épicycle par rapport à celle du déférent, de même que dans les vitesses angulaires de l’épicycle sur le déférent et de l’astre sur l’épicycle. Enfin, le circulus parvus est centré sur la Terre pour la Lune, mais centré sur un point situé à deux fois l’excentricité relative pour Mercure ; conséquemment, l’anomalie moyenne, qui est la position de l’astre sur l’épicycle, est mesurée à partir d’une droite liant le centre de l’épicycle à un point du circulus parvus situé entre son centre et la Terre pour Mercure, tandis que ce point est situé à l’opposé du centre du déférent par rapport à la Terre, pour la Lune (point Z dans l’animation ci-⁠contre).

Critiques et révisions du modèle de Ptolémée

Le pôle central des « réformes » de l’Almageste est sans contredit Maragha (Iran moderne), où Houlagou Khan de l’Empire mongol (petit-fils de Gengis Khan) fait construire un observatoire en 1259. On y trouve notamment Naṣīr al‐⁠Dīn al‐⁠Ṭūsī [1201–1274], qui propose, dans son al-⁠Tadhkirah fī ʿilm al-⁠hayʾah (« Mémoire sur la structure [du ciel] ») [v. 1261], un modèle non-ptolémaïque de la Lune ; Muʾayyad al-⁠Din al-⁠ʿUrḍī [v. 1200–v. 1266] en propose un autre dans son Kitāb al-⁠Hayʾa (1259) ; et Qoṭb al-⁠Din al-⁠Shīrāzī [1236–1311] qui fera aussi un passage à Maragha, où il est manifestement influencé, puisque le modèle qu’il propose dans son Nihāyat al-⁠idrāk fī dirāyat al-⁠aflāk « n’est rien de plus que le modèle d’[al-⁠]ʿUrḍī pour les [planètes] supérieurs ; sauf que Shīrāzī ajoute une sphère (appelée Mumīla) de centre C qui, avec la sphère Mudīra (de centre M), fait en sorte que le plan de l’équateur de l’épicycle oscille en latitude » . Un autre astronome à tenter une réforme du système de Ptolémée est Ibn al-⁠Shāṭir [1304–1375], qui a vécu à Damas et proposé son modèle dans son Nihāyat al‐⁠suʾl fī taṣḥīḥ al‐⁠uṣūl (« Enquête finale concernant la rectification planétaire » ou « L’achèvement de l’enquête et la correction des fondements »).

Les trois modèles sont présentés ci-⁠dessous. Celui d’al-⁠Ṭūsī fait intervenir ce qu’on appelle aujourd’hui le couple d’al-⁠Ṭūsī : considérant deux cercles dont un est de diamètre égal au double du diamètre de l’autre, le plus petit étant tangent à l’intérieur du grand, un point sur la circonférence du petit tracera une ligne droite si le petit est mis en rotation de sorte à toujours être tangent au grand.

5. Modèles proposés par l’école de Maragha · Dans celui d’al-⁠Ṭūsī, le déférent est centré sur l’équant, et le couple d’al-⁠Ṭūsī fait varier la distance de l’épicycle. al-⁠ʿUrḍī centre le déférent à mi-⁠chemin entre l’équant et le centre du déférent de Ptolémée, et ajoute un petit épicycle de rayon égal à la moitié de l’excentricité. Enfin, al-⁠Shāṭir élimine l’équant et ajoute plutôt des épicycles, un mesurant 1,5 fois l’excentricité, et l’autre mesurant la moitié de l’excentricité. Les animations sont indépendantes l’une de l’autre et s’arrêtent automatiquement après 1 000 jours.
Naṣīr al-Dīn al-Ṭūsī Muʾayyad al-Din al-ʿUrḍī Ibn al-Shāṭir ⏯️ Jours écoulés : 0 ⏯️ Jours écoulés : 0 ⏯️ Jours écoulés : 0

Les « difficultés » de l’Almageste

Dans son Tadhkirah fī ʿilm al-⁠hayʾah, Naṣīr al‐⁠Dīn al‐⁠Ṭūsī soulève seize points comme posant problème dans l’Almageste de Ptolémée. Ces points sont 

  1. Mouvement irrégulier du déférent lunaire
  2. Mouvement irrégulier du déférent de Mercure
  3. Mouvement irrégulier du déférent de Vénus, Mars, Jupiter, et Saturne
  4. Mouvements sur les petits cercles des sommets épicycliques des planètes supérieures et inférieures (déviation latitudinale)
  5. Mouvements sur les petits cercles des extrémités des diamètres épicycliques moyens des planètes inférieures (inclinaison latitudinale)
  6. Oscillation de l’équateur de l’orbe déférent de Mercure
  7. Oscillation de l’équateur de l’orbe déférent de Vénus
  8. Oscillation de l’épicycle lunaire à cause du point de prosneuse

(Le total ici n’est pas de seize points, puisque plusieurs sont groupés ensemble.)

Ces difficultés (ishkālāt) s’inscrivent dans un cadre plus grand d’objections à l’œuvre de Ptolémée ; vers 1025, Ḥasan Ibn al-⁠Haytham (ou al-⁠Haiṯam) [v. 965–v. 1040] a en effet publié Al-Shukūk ‛alā Batlamyūs (« Doutes sur Ptolémée »), une collection de 28 essais dont les 11 premiers concernent l’Almageste — les suivants concernent les Hypothèses planétaires (essais 12–24) et le Traité d’optique (essais 25–28) de Ptolémée 

al‐⁠Ṭūsī et al-⁠Haytham ne sont pas les seuls à critiquer Ptolémée. Ainsi, al-⁠Shāṭir a écrit, dans son Achèvement :

ولم يمكن بطلميوس وإبرخس ولا غيرهم من المتقدمين والمتأخرين قاطبةً إلى يومنا هذا وضع هيئة على أصول بسيطة صحيحة تفي بالحركات الطولية والعرضيّة. ولم يمكن بطلميوس توهم أصول تفى بالحركات العرضية. من غير تساهل ومن تساهل ومشى الحركات الطولية على الهيئة المشهورة، لم يمكن التساهل في الحركات العرضية.

Ni Ptolémée ni Hipparque, ni aucun autre des anciens, ni aucun des modernes jusqu’à nos jours, n’a pu faire cela : donner à l’astronomie des fondements simples et vrais qui suffisent à la fois pour les mouvements en longitude et pour les mouvements en latitude. Ptolémée n’a pas pu imaginer de fondements suffisants pour les mouvements en latitude ; que l’on ait, ou non, de l’indulgence pour la théorie classique des mouvements en longitude, on ne peut avoir aucune indulgence pour les mouvements en latitude.

Enfin, dans son Commentariolus, dans lequel il présente un sommaire de son modèle héliocentrique, Copernic écrit  :

non enim sufficiebant, nisi etiam aequantes quosdam circulos imaginarentur, quibus apparebat neque in orbe suo deferente, neque in centro proprio aequali semper velocitate sidus moveri. quapropter non satis absoluta videbatur huiusmodi speculatio, neque rationi satis concinna.

[Les théories impliquant des excentriques et des épicycles] n’étaient suffisantes, en effet, que si l’on imaginait encore certains cercles équants, à cause desquels la planète n’apparaissait mue avec une vitesse toujours uniforme ni sur son orbe déférent ni autour du centre propre [du monde]. Aussi une théorie de cette espèce ne semblait-elle ni suffisamment achevée ni suffisamment accordée à la raison.

Tout comme ses prédécesseurs, Nicolas Copernic conçoit l’Univers comme étant formé de sphères portant les astres ; ce sont là les orbes du titre de son magnum opus. Ce n’est qu’avec le modèle de Kepler, présenté dans son Astronomia nova (1609), que l’idée de sphères cristallines fut finalement abandonnée.

Nicolas Copernic : Brève biographie

Carte de la Pologne · La Varmie, aujourd’hui aussi appelée Ermeland, est indiquée en rouge ; Frombork par le point bleu ; et Toruń par le point vert. La Pologne est limitée au nord par la lagune de la Vistule, la mer Baltique, et l’oblast de Kaliningrad (Russie) ; à l’est par la Lithuanie, le Bélarus, et l’Ukraine ; au sud par la Tchéquie et la Slovaquie ; et à l’ouest par l’Allemagne.

Né à Toruń en 1473, Mikołaj Kopernik (ou Niclas Koppernigk) est le plus jeune de quatre enfants, dont seule sa sœur Katarzina a laissé une progéniture  ; les autres ont joint les ordres religieux, son frère Andreas devenant un chanoine à Frombork, et sa sœur Barbara une bénédictine à Chełmno. Nicolas lui-⁠même devient aussi chanoine, après des études en médecine et en droit canon (religieux) à l’Université de Bologne. C’est là qu’il commence à s’intéresser à l’astronomie, étant fasciné par le fait qu’une éclipse lunaire qu’il a observée ait pu être prédite par le calcul. Un de ses professeurs, Mikołaj Wodka (dit Abstemius), originaire de Kwidzyn (Pologne), a encouragé cette passion naissante, et ils ont construit un cadran solaire ensemble. Copernic passe par la suite environ 40 ans au château de Lidzbark, d’abord comme secrétaire et médecin de son oncle maternel Lucas Watzenrode Jr., qui est prince-évêque de la Varmie, puis occupant divers emplois administratifs et médicaux pour la principauté épiscopale de Varmie — notamment comme curateur pour des enfants orphelins, ce qui fait qu’il s’est occupé de plus d’enfants que bien des parents…

Outre ses livres sur l’astronomie, Copernic compose quelques ouvrages sur l’économie, l’immobilier, la monnaie (Monetae cudendae ratio, « Traité de la monnaie »), les affaires de la principauté épiscopale, et la religion.

Du côté de l’astronomie, j’ai déjà mentionné son Commentariolus (titre complet De hypothesibus motuum coelestium a se constitutis commentariolus : « Bref exposé sur les hypothèses des mouvements célestes que [Copernic] a constituées ») ; il fut rédigé avant 1514, mais demeura à l’étape de manuscrit, dont subsistent aujourd’hui seulement trois copies. Il s’agit d’un court ouvrage de 10 (copie d’Aberdeen, bibliothèque de l’université King’s College), 16 (Stockholm, bibliothèque de l’Académie royale des sciences), ou 19 pages (Vienne, Bibliothèque nationale), sans illustration ni tableau. Dans cet ouvrage, Copernic énonce sept postulats  :

  1. Il n’y a pas un centre unique pour tous les orbes ou sphères célestes.
  2. Le centre de la Terre n’est pas le centre du monde, mais seulement le centre des graves et le centre de l’orbe lunaire.
  3. Tous les orbes entourent le Soleil qui se trouve pour ainsi dire au centre d’eux tous, et c’est pourquoi le centre du monde est au voisinage du Soleil.
  4. Le rapport de la distance du Soleil à la Terre vis-à-vis de la hauteur de la sphère des étoiles est plus petit que le rapport du rayon de la Terre à la distance du Soleil à la Terre, au point que la distance du Soleil à la Terre est imperceptible en comparaison de la hauteur de la hauteur de la sphère des étoiles.
  5. Tout mouvement qui paraît appartenir à la sphère des étoiles ne provient pas d’elle, mais de la Terre. La Terre, donc, avec les éléments tout proches, accomplit d’un mouvement diurne une révolution complète, autour de ses pôles fixes, tandis que demeure immobile la sphère des étoiles ou ciel ultime.
  6. Les mouvements qui nous semblent appartenir au Soleil ne proviennent pas de lui, mais de la Terre et de notre orbe, avec lequel nous effectuons des révolutions autour du Soleil comme n’importe quelle autre planète. Ainsi donc la Terre est entraînée par plusieurs mouvements.
  7. Les mouvements rétrograde et direct qui se manifestent dans le cas des planètes ne proviennent pas de celles-ci, mais de la Terre. Le mouvement de la Terre seule suffit donc à expliquer un nombre considérable d’irrégularités apparentes dans le ciel.

Copernic a aussi écrit une Lettre contre Werner, un autre document d’une dizaine de pages dont il subsiste cinq copies (Berlin, Vienne, Uppsala, Oxford, et Schweinfurt). Il n’y rejette pas la trépidation dont parlait Werner, mais corrige quelques points sur lesquels ce dernier s’était trompé.

Nicolas Copernic à la fin de sa vie · Reconstitution faciale réalisée par la police polonaise reconstituée à partir de sa dépouille retrouvée dans la cathédrale de Frombork. © Dariusz Zajdel, Centralne Laboratorium Kryminalistyczne Policji (Laboratoire médico-légal central de la police).

L’œuvre principale de Copernic demeure toutefois De revolutionibus orbium cœlestium, Libri vi « Six livres sur les révolutions des orbes célestes » , imprimé en 1543, juste avant sa mort, et sur lequel il a travaillé une bonne partie de sa vie. Il considérait son modèle imparfait et incomplet, et refusait donc de le publier. En 1539, toutefois, Georg Joachim Rheticus [1514–1574] vint travailler avec lui, et publia De libris revolutionum Copernici narratio prima « Premier récit des livres des révolutions de Copernic » en 1540 . L’ouvrage étant bien reçu par ses lecteurs, de même qu’une seconde édition ainsi que celle d’un traité sur la trigonométrie extrait du second livre des Révolutions, Rheticus réussit à convaincre Copernic de publier De revolutionibus, dont le manuscrit est apporté à Nuremberg en 1541. Trois éditions sont publiées, en plus de rééditions avec traductions :

Après avoir subi un accident vasculaire cérébral (AVC) en décembre 1542, qui lui laisse le côté gauche du corps paralysé, Copernic s’éteint le 24 mai 1543 à Frombork.

Les Révolutions

De revolutionibus · Page titre de l’édition originale de 1543, publiée à Nuremberg. Le paragraphe central se lit : « Lecteur assidu, dans cet ouvrage qui vient d’être créé et publié, vous trouverez les mouvements des étoiles fixes et des planètes, tels que ces mouvements ont été reconstitués sur la base d’observations anciennes aussi bien que récentes, et ont d’ailleurs été embellis par de nouvelles et merveilleuses hypothèses. Vous trouverez également des tables très pratiques, à partir desquelles vous pourrez calculer ces mouvements avec la plus grande facilité, à tout moment. Par conséquent, achetez, lisez, et bénéficiez ». Cela est suivi d’une phrase en grec qui dit : « Que personne sans formation en géométrie n’entre ici ».

La structure du document suit d’assez près celle de l’Almageste dont Copernic s’est inspiré. Comme son nom latin complet l’indique, il comporte six livres, chacun divisé en plusieurs chapitres :

Livre 1

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  1. L’univers est sphérique
  2. La Terre est aussi sphérique
  3. La Terre forme une sphère unique avec l’eau
  4. Le mouvement des corps céleste est uniforme, circulaire, ou composé de mouvements circulaires
  5. Est-ce que le mouvement circulaire sied à la Terre ? Quelle est sa position ?
  6. L’immensité du ciel en rapport à la taille de la Terre
  7. Pourquoi les anciens croyaient que la Terre demeurait fixe au centre de l’univers
  8. Plusieurs mouvements peuvent-⁠ils être attribués à la Terre ? Le centre de l’univers
  9. L’ordre des sphères célestes
  10. Preuve du mouvement triple de la Terre
  11. Les lignes droites sous-tendues dans un cercle
  12. Les côtés et les angles des triangles rectilignes plans
  13. Triangles sphériques

Livre 2

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  1. Les cercles et leur nom
  2. L’obliquité de l’écliptique, la distance entre les tropiques, et la façon de déterminer ces quantités
  3. Les arcs et angles des intersections de l’équateur, de l’écliptique, et du méridien ; la dérivation de la déclinaison et de l’ascension droite pour ces arcs et angles, et leur calcul
  4. Pour chaque corps céleste situé en dehors de l’écliptique, du moment que sa latitude et sa longitude sont connus, la méthode pour déterminer sa déclinaison, son ascension droite, et le degré de l’écliptique avec lequel il atteint le milieu du ciel
  5. Les intersections de l’horizon
  6. Les différences de l’ombre de midi
  7. Comment dériver l’un de l’autre le jour le plus long, la distance entre les levers de soleil, et l’inclinaison de la sphère ; les différences restantes entre les jours
  8. Les heures et les parties du jour et de la nuit
  9. L’ascension oblique des degrés de l’écliptique ; comment déterminer quel degré est au milieu du ciel quand n’importe quel degré se lève
  10. L’angle d’intersection de l’écliptique avec l’horizon
  11. L’utilisation de ces tableaux
  12. Les angles et arcs des cercles qui passent par les pôles de l’horizon jusqu’à l’écliptique
  13. Le lever et le coucher des corps célestes
  14. L’étude de l’endroit des étoiles, et l’arrangement des étoiles fixes en un catalogue

Livre 3

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  1. La précession des équinoxes et des solstices
  2. L’historique des observations prouvant que la précession des équinoxes et des solstices n’est pas uniforme
  3. Les hypothèses par lesquelles le décalage des équinoxes et de l’obliquité de l’écliptique et de l’équateur peut être démontré
  4. Comment un mouvement d’oscillation ou de libration est construit à partir de [mouvements] circulaires
  5. Preuve de la non uniformité de la précession des équinoxes et de l’obliquité
  6. Les mouvements uniformes de la précession des équinoxes et de l’inclinaison de l’écliptique
  7. Quelle est la plus grande différence entre la précession uniforme et apparente des équinoxes ?
  8. Les différences individuelles entre ces mouvements, et un tableau indiquant leurs différences
  9. Revue et correction de la discussion de la précession des équinoxes
  10. Quelle est la plus grande variation de l’intersection de l’équateur et de l’écliptique ?
  11. Détermination de l’époque des mouvements uniformes des équinoxes et de l’anomalie
  12. Calcul de la précession de l’équinoxe vernal et de l’obliquité
  13. La durée et la non uniformité de l’année solaire
  14. Les mouvements uniforme et moyen des révolutions du centre de la Terre
  15. Théorèmes préliminaires pour prouver la non uniformité du mouvement apparent du Soleil
  16. La non uniformité du mouvement apparent du Soleil
  17. Explication de la première inégalité annuelle du Soleil et de ses variations particulières
  18. Analyse du mouvement uniforme en longitude
  19. Établissement des positions et époques du mouvement uniforme du Soleil
  20. La deuxième inégalité double imposée au Soleil par le décalage des apsides
  21. Quelle est la grandeur de la seconde variation de l’inégalité solaire ?
  22. Comment les mouvements uniforme et non uniforme de l’apogée solaire sont dérivés
  23. Détermination de l’anomalie solaire et établissement de ses positions
  24. Présentation tabulaire des variations [du mouvement solaire] uniforme et apparent
  25. Calculer le soleil apparent
  26. Le nychtémère, c’est-⁠à-⁠dire la durée variable du jour naturel

Livre 4

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  1. Les hypothèses concernant les cercles lunaires, selon les croyances des anciens
  2. Le défaut dans ces présomptions
  3. Une opinion différente sur le mouvement de la Lune
  4. Les révolutions de la Lune, et le détail de ses mouvements
  5. Exposition de la première inégalité lunaire, qui se produit à la nouvelle et à la pleine lune
  6. Vérification des énoncés sur le mouvement uniforme de la Lune en longitude et en anomalie
  7. Les époques de la longitude et de l’anomalie lunaires
  8. La seconde inégalité de la Lune, et le rapport du premier épicycle au deuxième
  9. La variation résiduelle, dans laquelle la Lune se déplace de façon non uniforme à partir de l’apogée de l’épicycle
  10. Comment le mouvement apparent de la Lune est dérivé des mouvements uniformes donnés
  11. Présentation tabulaire des prostaphérèses ou normalisations lunaires
  12. Calculer le mouvement de la Lune
  13. Comment le mouvement de la Lune en latitude est analysé et démontré
  14. Les endroits de l’anomalie en latitude de la Lune
  15. La construction d’un instrument parallactique
  16. Comment la parallaxe lunaire est obtenue
  17. Une démonstration de la distance de la Lune à la Terre, et de leur proportion en termes de rayons terrestres
  18. Le diamètre de la Lune et de l’ombre de la Terre à l’endroit où la Lune le traverse
  19. Comment démontrer à la fois la distance du Soleil et de la Lune à la Terre, leur diamètre, le diamètre de l’ombre où la Lune la traverse, et l’axe de leur ombre
  20. La taille des trois corps célestes, Soleil, Lune, et Terre, et une comparaison de leur taille
  21. Le diamètre apparent et la parallaxe du Soleil
  22. Le diamètre apparent variable de la Lune et sa parallaxe
  23. À quel point l’ombre terrestre varie-⁠t-⁠elle ?
  24. Présentation tabulaire de la parallaxe individuelle du Soleil et de la Lune dans le cercle qui passe par les pôles de l’horizon
  25. Calculer la parallaxe solaire et lunaire
  26. Différence entre la parallaxes en longitude et celle en latitude
  27. Confirmation des énoncés sur la parallaxe lunaire
  28. Les conjonctions et oppositions moyennes du Soleil et de la Lune
  29. Étude des conjonctions et oppositions vraies du Soleil et de la LunevComment les conjonctions et oppositions du Soleil et de la Lune auxquelles se produisent les éclipses sont distinctes des autres
  30. La taille d’une éclipse solaire ou lunaire
  31. Prédire la durée de l’éclipse

Livre 5

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  1. Les révolutions et mouvements moyens [des planètes]
  2. Le mouvement uniforme et apparent des planètes, tel qu’expliqué par la théorie des anciens
  3. Explication générale de la non uniformité apparente causée par le mouvement de la Terre
  4. Comment le mouvement propre des planètes apparaît-⁠il non uniforme
  5. Dérivation des mouvements de Saturne
  6. Trois autres oppositions de Saturne observées plus récemment
  7. Analyse du mouvement de Saturne
  8. Détermination des endroits de Saturne
  9. Parallaxe de Saturne due au mouvement annuel de révolution de la Terre, et distance de Saturne
  10. Exposé des mouvements de Jupiter
  11. Trois autres oppositions de Jupiter observées plus récemment
  12. Confirmation du mouvement uniforme de Jupiter
  13. Détermination des endroits du mouvement de Jupiter
  14. Détermination de la parallaxe de Jupiter, et de sa taille en lien avec la révolution orbitale de la Terre
  15. La planète Mars
  16. Trois autres oppositions de Mars observées plus récemment
  17. Confirmation du mouvement de Mars
  18. Détermination des endroits de Mars
  19. La taille de l’orbite de Mars en termes de l’orbite annuelle de la Terre
  20. La planète Vénus
  21. La proportion du diamètre de l’orbite de la Terre et de Vénus
  22. Le double mouvement de Vénus
  23. Analyse du mouvement de Vénus
  24. Les endroits de l’anomalie de Vénus
  25. Mercure
  26. Le lieu de l’apogée et du périgée de Mercure
  27. La taille de l’excentricité de Mercure, et la proportion de ses cercles
  28. Pourquoi les élongations de Mercure d’un côté de l’hexagone semble plus grandes que les élongations ayant lieu au périgée
  29. Analyse du mouvement moyen de Mercure
  30. Observations plus récentes du mouvement de Mercure
  31. Détermination des endroits de Mercure
  32. Une alternative à l’approche et à la récession
  33. Table de la prostaphérèse des cinq planètes
  34. Comment les temps, lieux, et arcs de rétrogradation sont déterminés

Livre 6

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  1. Explication générale de la déviation en latitude des cinq planètes
  2. L’inclinaison de l’orbite de Saturne, de Jupiter, et de Mars
  3. Explication générale de toute autre latitude de ces trois planètes
  4. La latitude de Vénus et de Mercure
  5. La seconde déviation en latitude de Vénus et de Mercure, dépendante de l’inclinaison de leur orbite à l’apogée et au périgée
  6. La taille de l’angle d’obliquité des planètes Vénus et Mercure
  7. Le troisième type de latitude, qui est appelé « déviation », de Vénus et de Mercure
  8. Calcul de la latitude des cinq planètes

Le présent document

Nous savons aujourd’hui que le modèle de Copernic ne reflète pas la réalité ; et, contrairement à celui de Ptolémée, il ne connaîtra qu’une popularité éphémère, puisque moins de 100 ans plus tard, Johannes Kepler publiera son Astronomia nova (1609), dans laquelle il présente les deux premières de trois lois du mouvement planétaire qui portent aujourd’hui son nom (la troisième est publiée dans Harmonices mundi en 1619) :

  1. L’orbite d’une planète est une ellipse dont le Soleil occupe un des foyers
  2. La vitesse d’une planète sur son orbite est telle que le temps entre deux positions est toujours proportionnel à la surface balayée sur l’orbite entre ces positions
  3. Le carré du temps de révolution d’une planète est proportionnel au cube du demi-grand axe de son orbite

Cela « détruit » presque complètement le modèle de Copernic : en effet, la trajectoire elliptique des planètes parvient à expliquer tous les phénomènes observés. On ignore d’abord pourquoi il en est ainsi, mais cela sera bientôt expliqué avec la publication des Philosophiæ naturalis principia mathematica par Isaac Newton en 1687.

En termes modernes

La lecture des Révolutions est difficile, puisque Copernic y expose ses calculs en prose plutôt qu’avec des formules comme on le ferait aujourd’hui. C’est surtout avec cela en tête, donc dans le but de rendre accessible au plus grand nombre de personnes, que j’ai composé le présent document et les pages suivantes. Plusieurs aspects du modèle de Copernic seront étudiés en termes mathématiques clairs et simples, ses calculs revus, et ses tableaux recompilés.

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J’ai choisi de maintenir, la plupart du temps, la notation mathématique de Copernic, c’est-⁠à-⁠dire « à la babylonienne » ou sexagésimale. Ainsi, chaque terme désigne une fraction successive de soixante, avec un point-⁠virgule pour séparer la partie entière de la partie fractionnaire. Par exemple, 2,45;32,17,17 signifie 2 · 60 + 45 + 32 · 1⁄60 + 17 · 1⁄3600 + 17 · 1⁄216000 ; en notation décimale moderne, on écrirait donc 165,53813425925926595… ; la notation babylonienne est donc (généralement) plus pratique.

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Dernière mise à jour : 2024-07-17 à 00 h 51 UTC