Les Révolutions de Copernic
Commentaires sur le Livre 6
par Pierre Paquette · 13 août 2023

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Manque de bol pour Copernic pour le Livre 6, qui traite des latitudes planétaires : il n’a accès qu’à peu d’observations utiles, et même les siennes ne l’aident pas beaucoup. Pis encore : il utilise comme « observations » les valeurs extrêmes des tableaux de Ptolémée, et le modèle qu’il échafaude n’a aucune sens, faisant osciller le plan orbital de toutes les planètes ensemble au gré du mouvement de la Terre ! Riddell (1980) écrit :

Plutôt que de calculer la contribution de la première oscillation orbitale de son modèle aux latitudes prédites, Copernic recopie sans changement  les tableaux de l’Almageste concernant les deux oscillations superposées du modèle épicyclique de Ptolémée. Malheureusement, pour une fois les deux modèles ne sont pas équivalents en termes de calculs. Le basculement prédit du plan orbital copernicien autour de la ligne des apsides correspondrait à un basculement de l’épicycle autour d’un axe de direction spatiale fixe. Mais en fait le mouvement prédit par Ptolémée n’a pas lieu autour d’un tel axe et ses tableaux ne sont pas compatibles avec un tel mouvement, la différence atteignant jusqu’à environ ½° dans le cas de Vénus. Donc les tableaux adoptés par Copernic ne sont pas compatibles avec son propre modèle.

À la décharge de Copernic, il convient de dire que les planètes n’atteignent des latitudes extrêmes — la base de la théorie de Ptolémée — que rarement ; « il n’avait pas d’autre description de la nature à représenter », selon Swerdlow et Neugebauer (1984). N’empêche que son modèle implique (tacitement) de briser le modèle des mouvements circulaires uniformes (ceci après qu’il eût vilipendié Ptolémée pour avoir fait de même), et que ses tableaux ne sont pas compatibles avec son modèle, comme l’indique Riddell — de jusqu’à 1° pour Vénus, ce qui est beaucoup compte tenu de la faible inclinaison des orbites planétaires…

L’essentiel du Livre 6 — le plus court des six, avec 29 pages dans l’édition originale de Nuremberg (1543) — est consacré à la discussion du modèle, et on n’y trouve que deux tableaux : un pour la latitude de Saturne, Jupiter, et Mars ; l’autre, pour celle de Vénus et Mercure. Deux modèles différents sont utilisés pour ces deux groupes. Pour le premier groupe (diagramme ci-⁠dessous, à gauche), le plan de leur orbite oscille entre deux extrêmes, soit NC d’inclinaison iC à la conjonction (Terre en OC, planète en PC) et NO d’inclinaison iO à l’opposition (Terre en OO, planète en PO). Copernic n’explique pas comment cette variation d’inclinaison est supposée se produire mécaniquement — et encore moins comment elle est synchronisée avec le mouvement de la Terre et la même pour toutes les planètes !

1. Modèle de la latitude d’une planète supérieure · Le Soleil est en , le centre de l’excentrique (orbite) de la planète en M. L’angle iC est l’inclinaison de l’excentrique par rapport à l’écliptique lorsque la planète est en conjonction avec le Soleil (disque gris) ; l’angle iO, lorsqu’elle est en opposition (disque vert). Les deux latitudes extrêmes, βC et βO, sont indiquées. La planète et la Terre se déplacent en sens antihoraire.2. Construction de triangles additionnels pour le calcul de la latitude
PC PO OO OC Δi iO iC βO βC e′ M λN λP NC NO Écliptique Excentrique à l’opposition Pas à l’échelle · Adaptés de Swerdlow et Neugebauer (1984) P⁺ P⁻ M O Q r R e′ P⁺′ P⁻′ +α′ −α′ −β +i −i ?>

Avant de pouvoir calculer la latitude de la planète, nous devrons toutefois construire quelques triangles, comme illustré ci-⁠dessus à droite. La Terre est en O et le soleil moyen en , et la planète aux limites nord et sud de son excentrique (orbite) est en P+ et P, respectivement. Les points P+ et P, à la verticale de P+ et P, représentent la direction de la planète sur l’écliptique (non illustré). Il sera aussi nécessaire de connaître la longitude de la limite nord, ω. Il est difficile pour la suite de ne pas citer Swerdlow et Neugebauer (1984) verbatim :

Puisque l’inclinaison maximale iO a lieu à l’opposition, l’inclinaison i à n’importe quel endroit est

i = iO − ½Δi(1 − cos α′).

Soit e′ = e cos ωA la composante de l’excentricité en direction de la limite nord, et dans les triangles PS̅P′, à la limite nord P+ et à la limite sud P,

S̅P = R + e′,     S̅P′ = (R + e′) cos i,     PP′ = (R + e′) sin i,

e′ est positif à P+ et négatif à P. Dans les triangles P′S̅O,

OQ = r sin α′,     S̅Q = r cos α′,

P′Q = S̅P′ ± S̅Q = (R + e′) cos i − r cos α′,

OP′ = (P′Q2 + OQ2)½

= ((R + e′)2 cos2 i + r2 − 2(R + e′)r cos i cos α′)½.

Enfin, dans les triangles OP′P, la latitude géocentrique,

β = tan−1 (PP′/OP′) = sin−1 (PP′/(OP′2 + PP′2)½.

ATTENTION : On utilise ici α′, mesurée à partir de l’opposition plutôt que de la conjonction — on a donc α′ = 180° ± α.

Tableau de la latitude de Saturne, Jupiter, et Mars

Nombres communsLatitude de SaturneLatitude de JupiterLatitude de MarsMinutes propor­tionnelles
NordSudNordSudNordSud
°°°°°°°°
33572032021061050060055955
63542032021061050060055940
93512032021061050060065916
123482042031061050060065841
153452042031071060070065757
183422042031071060070075704
213392052041071060080075601
243362052041081070090085449
273332062051081070090095328
303302062051081080100095158
333272072061091080110105019
363242082071101090120114832
393212082081101090130124638
423182092081111100150144435
453152102091121110160154226
483122112101121120180164009
513092122111131130190183746
543062132121141130210193516
573032142141151140230213241
603002152151161150250233000
632972172161171160270252714
662942182171181180290272424
692912192191191190310292130
722882202201211200340311832
752852222211221210360341532
782822232231231230390361228
81279225224124124042039923
84276226226126125045042616
87273228227127127048045308
90270229229129128051049000
93267231231130130055052308
96264232232131131059056616
99261234234133133103100923
1022582352361351351071041228
1052552372371361361111081532
1082522392391381381161131832
1112492402411391401211182130
1142462422421411411261232424
1172432432441431431321292714
1202402452461441451381353000
1232372462471461461441423241
1262342482491471481511503516
1292312492501491501581583746
1322282512521501522062064009
1352252522531521532142164226
1382222532551531552232264435
1412192552561551562322384638
1442162562571561582422514832
1472132572581571592533055019
1502102582591592013043215158
1532072593002002023163385328
1562043003012012033283585449
1592013013022022043404205601
1621983013032032053524445704
1651953023032032064045105757
1681923023042042064155375841
1711893033042042074246035916
1741863033052052074316265940
1771833033052052074366415955
1801803033052052084376476000
3. Erreurs dans le tableau de la latitude de Saturne, Jupiter, et Mars · Les erreurs pour la colonne 5 (points turquoise) sont expliquées dans le texte ci-⁠dessous.
Erreur (′)* Degrés * Secondes d’arc pour c5 −15 −10 −05 00 05 10 0 30 60 90 120 150 180 Saturne Jupiter Mars colonne 5

Les erreurs pour la colonne 5 (points turquoise dans le diagramme ci-⁠dessus) s’expliquent par le fait que Copernic n’a pas calculé les valeurs (égales simplement au cosinus de l’angle de la première colonne), mais les a simplement extraites du tableau Tabula minutorum proportionabilium quinque planetarum inclus dans sa copie des Tables alfonsines. Or, ces valeurs, pour chaque degré, ont été intrapolées à partir de celles fournies par Ptolémée (Almageste, Livre 13, Chapitre 5) à intervalles de 6°. Puisque les valeurs (en nombres absolus ) sont les mêmes pour 0°–90° et 90°–180°, le patron se reflète symétriquement au centre du graphique.

Planètes inférieures

Le modèle se complique pour les planètes inférieures, et nous devons ici remonter au modèle que Ptolémée présente dans son Almageste. Pour expliquer les observations dont il dispose — et celles-⁠ci sont rares et de piètre qualité, mais il l’ignore —, il conceptualise trois composantes à la variation en latitude de Mercure et Vénus : une inclinaison variable de l’excentrique (déférent), et une inclinaison variable de l’épicycle sur deux axes différents. En grec, ces deux derniers mouvements sont ἔγκλισις et λόξωσις, que l’on traduit habituellement par inclinaison et obliquité, respectivement. L’excentrique atteint son inclinaison maximale ι0 lorsque l’épicycle se trouve à l’apogée ou au périgée (donc à κ = 0° ou à κ = 180°), de sorte à ce que l’épicycle soit toujours au nord du déférent pour Vénus, toujours au sud pour Mercure. Quant à l’épicycle, si on le divise par exemple en quatre parties égales ecms, on assiste à une rotation de ces points autour du centre, et la ligne cs est dans le plan de l’excentrique aux nœuds, mais inclinée d’un angle ι1 par rapport à celui-⁠ci, sur un axe passant par le centre de l’excentrique, lorsque l’épicycle est à κ = 0° ou à κ = 180°, mais de 0° lorsqu’il est à κ = 90° ou à κ = 270°. En revanche, la ligne em s’incline d’un angle ι2 à κ = 90° ou à κ = 270°, mais nul à κ = 0° ou à κ = 180°.

4. Modèle de Ptolémée pour la latitude de Vénus · La Terre est en O, au centre. Le point D est le centre de l’excentrique (courbe noire [nord de l’écliptique] et rouge [sud de l’écliptique]) ; puisque l’inclinaison de ce dernier est variable, D peut se retrouver au nord ou au sud de l’écliptique (courbe bleue, centrée sur le point D pour plus de clarté). Les angles ι0 (inclinaison de l’excentrique), ι1 (inclinaison « est-ouest » de l’épicycle) et ι2 (inclinaison « nord-sud » de l’épicycle) sont fonctions du centrum moyen κ̅ = ∠AMÉ, de même que le centrum vrai κ = ∠AOÉ. Le modèle pour Mercure est identique, sauf que l’épicycle demeure toujours au sud de l’écliptique.
M A Π ι₀ κ̅ = = ° κ = ° ι1 ι2 A Π s c m e M É O Pas à l’échelle · Adapté de Neugebauer (1975)

Le diagramme interactif ci-⁠contre devrait aider la compréhension. On y voit les quatre mouvements : inclinaison variable du déférent (ι0), rotation de l’épicycle, inclinaison variable de l’épicycle autour de l’axe em (ι1), et inclinaison variable de l’épicycle autour de l’axe cs (ι2). Ainsi, à κ = 0° (situation de départ) ou κ = 180°, ι0 et ι2 sont à leur valeur maximale, tandis que ι1 est nul ; à κ = 90° ou κ = 270°, c’est le contraire : ι0 et ι2 sont nuls, et ι1 est à sa valeur maximale. Dans le diagramme, les lettres identifiant les points sont en noir lorsque le point associé est au nord de l’écliptique (ou de l’excentrique, dans le cas de l’épicycle), en rouge au sud, et grises lorsque dans le plan de l’écliptique (ou de l’excentrique). La planète (non illustrée) se déplace sur l’épicycle indépendamment de l’angle κ et peut donc se retrouver n’importe où sur celui-⁠ci, peu importe son emplacement le long de l’excentrique.

Le modèle de Copernic n’est pas très différent, fondamentalement. Les trois inclinaisons sont logiquement transférées à l’orbite de la planète autour du Soleil, mais dépendent en partie de la position de la Terre sur son orbite — un non-sens et même une abomination selon Kepler  :

Copernicvs divitiarum ſuarum ipſe ignarus Ptolemævm ſibi exprimendum omnino ſumpſit, non rerum naturam, ad quam tamen omnium proxime acceſſerat. Qua de re lege Rheticvm in narratione. Gaviſus enim ſuis appropinquationibus telluris ad ſidera latitudinum ſpecies augeri, non tamen auſus eſt reſidua latitudinum augmenta Ptolemaica (quæ hæc appropinquatio telluris non aſſequeretur) rejicere, ſed (ut & illa exprimeret) librationes planorum eccentricorum confinxit, quibus inclinationis angulus (Ptolemæo conſtans & fixus) variaretur, atque is (quod monſtri ſimile ſit) non ad leges motuum eccentrici proprii ſed telluris orbis plane alieni.

Copernic, qui ignorait lui-⁠même ses richesses, cherchait toujours à exprimer Ptolémée, et non la nature des choses, dont pourtant il s’était d’entre tous le plus rapproché. Lisez à ce sujet le récit de Rheticus. Car bien qu’il se soit réjoui de l’augmentation des latitudes par lorsque la Terre approche un astre [une planète], il n’osa toutefois pas rejeter les degrés de latitude ptolémaïques restants (que cette approche de la Terre ne comblait pas), mais (pour l’exprimer ainsi) il a conçu le balancement des plans excentriques, dans lequel l’angle d’inclinaison (constant et fixé par Ptolémée) varierait, et cela (comme un monstre) contrairement aux lois des mouvements excentriques propres à lui [l’excentrique], mais à celles de l’orbe terrestre, [qui lui sont] clairement étrangères.

5. Différence entre l’inclinaison de l’orbite planétaire et sa latitude · Le changement de point de vue modifie la valeur de l’angle observé. À des fins de clarté, l’excentricité des orbites a été enlevée et le Soleil (point rouge) est donc placé au centre. La Terre est en bleu et la planète (Mercure ou Vénus) en vert.
β ι A S T V V′

Conservant donc trois composantes à la latitude, Copernic compose donc un tableau en neuf colonnes : deux pour les degrés d’entrée, trois colonnes chacune pour Mercure et Vénus (declinatio, obliquatio, et deviatio en latin ; les deux premiers termes s’appliquent à l’épicycle et le troisième, au déférent/excentrique), et une colonne de « minutes proportionnelles ». Swerdlow et Neugebauer (1984) notent que l’en-⁠tête du tableau est inversé dans la première édition de De revolutionibus (1543) par rapport au manuscrit de Copernic ; Rosen (1978) a corrigé la situation dans sa traduction.

Mais l’inclinaison d’un cercle n’équivaut pas nécessairement à la latitude de la planète telle que vue de la Terre, comme l’indique le diagramme ci-⁠contre, où ι est l’inclinaison du déférent et β la latitude de la planète vue de la Terre. Puisque VS < VT et que V′S < V′T pour un même VV′, il s’ensuit que β < ι. Puisque, dans le modèle de Copernic, ι est fonction de κ = ∠AST (= ∠V′ST) et atteint sa valeur maximale lorsque κ = ±90° et est nul lorsque κ = 0°, il est impossible que VS > VT, qui pourrait potentiellement se produire si ι était indépendant de κ. Conséquemment, Copernic n’indique pas dans son tableau les valeurs de ι1, ι2, et ι3, mais plutôt celles de β1, β2, et β3. Pour refléter l’ouvrage de Swerdlow et Neugebauer (1984), j’utiliserai ici les termes inclinaison (declinatio en latin) pour β1, obliquité (obliquatio) pour β2, et déflexion (deviatio) pour β3.

Un problème mécanique survient toutefois lorsqu’on tente d’illustrer les trois angles ou leur combinaison. Le modèle pour ι1 et ι2 indique que l’orbite de la planète est inclinée, sur un axe allant de 0° à 180°, et que cette inclinaison varie d’un angle minimum de ι1 à un angle maximum de ι2. D’un autre côté, le modèle pour ι3 indique que l’orbite de la planète est inclinée suivant un autre axe. Swerdlow et Neugebauer (1984) indiquent que cela rend problématique l’emplacement de la planète sur son orbite, puisque les deux modèles la placent à des endroits différents au même moment, le modèle pour ι3 lui donnant même un mouvement non uniforme.

Quoi qu’il en soit, la latitude finale de la planète est obtenue en faisant la somme β1 + β2 + β3 à partir des valeurs obtenues dans le tableau, respectivement dans les colonnes 3, 4, et 5. La dernière colonne est un facteur d’interpolation. Normalement, les valeurs c3 et c4 devraient être calculées selon des formules spécifiques au modèle de Copernic, mais il n’en est rien, puisqu’il a simplement copié leurs valeurs à partir du tableau que Ptolémée a publié dans son Almageste — en fait, à partir d’une version augmentée où les valeurs sont données pour chaque 3° plutôt que pour chaque 6°. Pour la cinquième colonne, Swerdlow et Neugebauer (1984) indiquent que ses valeurs devraient être liées obtenues par β3 = ι3 cos2 κ, ce qui est confirmé par Van Brummellen (1993) ainsi que par Goldstein et Chabás (2004), mais les valeurs du tableau de Copernic sont en fait calculées par étapes.

D’abord, Ptolémée avait quantifié l’inclinaison de l’excentrique de chaque planète :

Ὅταν μὲν γὰρ κατὰ τὰ ἀπόγεια καὶ περίγεια τῶν ἐκκέντρων αἱ κατὰ μῆκος αὐτῶν ὦσι κινήσεις, περὶ μὲν τὰ περίγεια καὶ ἀπόγεια τῶν ἐπικύκλων παροδεύοντες οἱ ἀστέρες, ὡς ἔφαμεν ἀπὸ τῶν πλησίον τηρήσεων τῆς ἐπιβολῆς ἡμῖν γινομένης, τῷ ἴσῳ βορειότεροι ἢ νοτιώτεροι φαίνονται τοῦ διὰ μέσων, ὁ μὲν τῆς Ἀφροδίτης ἕκτῳ που μάλιστα μιᾶς μοίρας ἀεὶ βορειότερος, ὁ δὲ τοῦ Ἑρμοῦ ἡμίσει καὶ τετάρτῳ μέρει ἀεὶ νοτιώτερος, ὡς ἐκ τούτων καὶ τὰς τῶν ἐκκέντρων κύκλων ἐγκλίσεις ἑκατέρου τηλικαύτας γίγνεσθαι·

6. Détermination de ι3 · On suppose ici l’orbite inclinée de façon à apporter la contribution maximale en latitude. Pa est la planète à l’apogée, Pp au périgée, et P0 à distance moyenne.
C C′ O q r R R Pa Pp P0 ι3 β30 βa βp P P′ α′ Pas à l’échelle · Adapté de Swerdlow et Neugebauer (1984)

Car lorsque leur mouvement en longitude les amène à l’apogée ou au périgée de l’excentrique, si la position de l’astre est au périgée ou à l’apogée de l’épicycle, il apparaît également éloigné, comme nous l’avons dit, sur la base d’observations proches de ces points, soit au nord, soit au sud de l’écliptique : Vénus toujours à environ 1⁄6° au nord, et Mercure toujours à 3⁄4° au sud.

En supposant l’orbite inclinée de sorte que la latitude soit à sa valeur maximale donnée par Ptolémée, soit 0;10° pour Vénus et −0;45° pour Mercure (valeurs que nous noterons βmax), l’inclinaison est obtenue, tel qu’indiqué dans le diagramme ci-⁠contre, par q = R sin βmax puis tan ι3 = q ÷ r. La troisième composante de la latitude sera ensuite obtenue en trouvant sa distance à la Terre selon sa position sur son orbite, soit OP′ = d = √(r sin α′)2 + (r cos α′)2, où α′ = α ± 180°, qui entrera enfin dans la formule finale tan β3 = q ÷ d. C’est cette valeur de β3 que l’on trouve dans la dernière colonne pour chaque planète dans le tableau de latitude.

Tableau de la latitude de Vénus et de Mercure

J’ai choisi de maintenir l’ordre des colonnes (corrigé) de Copernic, c’est-⁠à-⁠dire celui de son manuscrit ou de la traduction par Rosen (1978). Aussi, puisque le tableau est copié d’un dérivé de celui de Ptolémée, ce sont des formules ptolémaïques qui ont servi à le dresser. En partant de la distance moyenne de l’épicycle à la Terre (ρ = 59;59,13 unités pour Vénus et ρ = 56;37 unités pour Mercure selon Neugebauer [1975] et Van Blummellen [1993]), on a d’abord a = r cos α′ sin ι1, puis b = √(ρ − r cos α′ cos ι1)2 + (r sin α′)2, et enfin sin c3 = a ÷ b. En ce qui a trait à la quatrième colonne, on prend d’abord la valeur maximale de l’équation centrale de l’anomalie pour chaque planète, r′ = 45;59 pour Vénus et r′ = 22;02 pour Mercure. On a ensuite c4 = 2,5 sin−1r sin x(ρ + r cos x)2 + (r sin x)2 ÷ r, où r = 43;10 pour Vénus et r = 22;30 pour Mercure, soit la taille de leur épicycle dans le modèle de Ptolémée. Enfin, la colonne 5 donne la valeur de β3 mentionnée au paragraphe précédent.

Nombres communsVénusMercureVénusMercureMinutes propor­tionnelles de déflexion
InclinaisonObliquitéInclinaisonObliquitéDéflexionDéflexion
°°°°°°°°
33571030041460060070335950
63541030081460120070335921
93511020121460170070335832
123481020161450230070335724
153451010201440290070335559
183421000251420350070335416
213391000291410400070345218
243360590331390460070345004
273330570371370520070344738
303300560411350570070344500
333270550451321030070344212
363240530491301080070343916
393210520531271140070353614
423180500571241190070353308
453150481011201240070353000
483120461051171290070362652
513090441091131340070362346
543060411131091390070362044
573030391171041440070371748
603000361201001490070371500
632970331240551540070371222
66294030128050158008038956
69291027132044202008038742
72288024135039207008039544
75285020139033211008039401
78282017143027214008040236
81279013146021218008040128
84276009150014221008041039
87273004153007225008042010
90270000157000227008042000
93267005200007230009043010
96264010203015232009044039
99261015206023234009045128
102258020209031236009045236
105255026212039238009046401
108252032215048239009047544
111249039218057239010048742
114246045220106239010049956
1172430532221152390100501222
1202401002241252380100511500
1232371092261352370100521748
1262341172281452350110532044
1292311272291552320110552346
1322281372302052290110562652
1352251482302162250110573000
1382222002302262210120583308
1412192132292372150120593614
1442162272282472090121013916
1472132422262572020121024212
1502102592233071550131034500
1532073182183171460131044738
1562043392123261370131055004
1592014012053341270131065218
1621984261553421160131075416
1651954521433491040141085559
1681925181283550520141095724
1711895431094000400141095832
1741866050484030270141105921
1771836190254050130141105950
1801806250004060000141106000
7. Erreurs dans le tableau de la latitude de Vénus (en haut) et Mercure (en bas)
Nombres communs Erreur (′) −15 −10 −05 00 05 10 15 0 30 60 90 120 150 180 c3 c4 c5 Nombres communs Erreur (′) −15 −10 −05 00 05 10 15 0 30 60 90 120 150 180 c3 c4 c5

Ceci conclut mon traitement des Révolutions de Copernic.


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Dernière mise à jour : 2024-07-17 à 00 h 51 UTC